Je suis nulle en endurance.

Mais vraiment nulle de chez nulle quoi. Je me souviens : quand on avait cours d'EPS au collège et au lycée, j'étais pas très à l'aise avec l'idée de pratiquer des sports comme le basket ou le hand, mais alors quand on nous annonçait qu'on allait faire de l'endurance, j'avais l'impression qu'on venait de me balancer un mur sur la tête (oui, non, parce que je ne suis pas dingue au point de moi-même balancer ma tête contre un mur, faut pas déconner non plus). De l'endurance, nan mais sérieusement, c'est quoi ce sport ? Alors au début, bon, j'étais dans la période "De toute façon je fais ma pépette et je refuse de faire du sport, à l'image des pépettes-en-chef juste parce que ça fait genre j'suis une rebelle". Puis j'ai eu ma période : " AAAAAAAAAH DESESPOIR je n'y arriverai jamais, le terrain est trop grand, le stade est trop rond, je vais devoir courir trop de temps, de toute façon y'a pas idée de nous faire faire ça il fait trop froid...". Et enfin, j'ai eu ma période : " Vas y ma grande, tu peux le faire ! T'es pas plus bête qu'une autre, vas y, fonce YES YOU CAN !" (autant de force de volonté en a inspiré d'ailleurs plus d'un). Sauf que bon ça marchait jamais, et qu'à chaque fois que j'arrivais devant la prof, essoufflée au possible, persuadée que j'aurais été moins fatiguée si j'avais construit à mains nues un bateau en une seule nuit, et que je disais : " Com... bien... de... temps ?". Regard plein d'espoir. " Ca fait quatre minutes."

Eh merde.

Je suis nulle en cuisine.

Enfin, c'est pas que je suis nulle, c'est que l'activité même de cuisiner ne m'aime pas. Je le sais, je le sens. De toute façon c'est bien simple, dès que je me trouve dans une cuisine j'ai le sentiment d'être sur un territoire ennemi. Les casseroles me regardent d'un air louche, et du coup j'suis carrément pas dans mon assiette (oui vous pouvez saluer cette grande performance concernant les métaphores et jeux de mots tournant uniquement autour du champs lexical des ustensiles de cuisine. Si, vraiment, vous pouvez !). Mais quand même, parce que bon, je ne me laisse pas faire comme ça non plus, j'ose m'aventurer à tenter de préparer de bons petits plats (considérer "bons petits plats" comme un idéal, un objectif à atteindre, un but, quelque chose de juste phénoménal, genre le Graal, mais en plus mieux quoi). Une fois j'ai voulu me rendre utile et gérer le repas de mon neveu et de ma nièce. Ils devaient manger des pâtes. Docile, je vide l'eau de la casserole. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque ma soeur m'annonça, mi exaspérée, mi hilare, qu'il s'agissait en fait initialement de soupe aux vermicelles, et que du coup je venais de faire disparaître dans les canalisations la moitié du repas de ses enfants.

Eh merde.

Je suis nulle en maths.

Ca c'est un truc dans les gènes, j'en suis sûre. Non mais même, je dirais que je suis mathématiquophobe. C'est clair, c'est sûr, d'ailleurs du coup je pense que je vais retourner voir tous mes profs de maths et leur demander d'hausser ma moyenne de deux points, juste parce que c'est pas de ma faute. Alors d'accord, ok, les maths, c'est pratique, tout ça tout ça. Mais les pythagores et les thalès, j'ai jamais accroché. Aujourd'hui toujours, il me faut au moins cinq secondes pour répondre à des questions de calcul mental. Simples. Très simples. Trop simples. Et j'peux vous dire qu'être nulle en maths c'est problématique en période de soldes, notamment. Parce que du coup je reste plantée pendant dix minutes devant un article, tentant de calculer mentalement quel sera le prix de celui-ci une fois la ristourne effectuée. AAAAH je réfléchis hein. J'y mets tout mon coeur et toute ma concentration. Surtout que cette petite robe, qui irait à la perfection avec mes chaussures, est vraiment adorable, que par miracle il en reste une seule de ma taille, et qu'il faut que le prix corresponde à mon budget. Bon, j'y arrive pas. Concentration, concentration. Je repose la robe, je sors mon portable, je prends quatre minutes pour me rappeler comment on fait un produit en croix, je tape le tout sur la calculette. MIRACLE c'est pile poil le prix qu'il faut, je range mon portable, je suis fière de moi, j'ai vaincu le démon, la robe est à moi... Ou alors à cette dame qui vient juste de passer, de la prendre, et qui a un cerveau qui sait faire des opérations en moins de quinze minutes et trente huit secondes.

Eh merde.

Alors je sais, vu comme ça on doit se dire que j'ai vraiment pas une vie facile. Surtout si on rajoute en bruit de fond une petite musique bien triste genre comme dans les séries américaines quand on apprend que l'héroïne est enceinte mais qu'elle ne va pas pouvoir garder le bébé parce qu'il n'est pas de son mari mais du frère du facteur, cousin germain de l'oncle Sam, et qu'elle hésite entre le faire adopter par une famille du Texas ou un agent immobilier Argentin. LE paroxysme du drame quoi.

Ouais mais moi j'ai un truc de fou dans ma vie, c'est qu'un de mes rêves va devenir réalité. Parce que j'ai persévéré, parce qu'on a cru en moi, parce que, oui, je l'avoue, j'ai de la chance. Alors oui, je suis heureuse et je le crie sous tous les toits, oui, j'en peux plus tellement je souris, oui tout le monde s'en fout. Mais en cet instant précis, j'ai pas besoin de maths pour calculer mon bonheur. J'ai pas besoin de savoir cuisiner quoi que ce soit parce que je suis rassasiée de Vie pour un bon bout de temps. J'ai pas besoin de courir et de faire vingt fois le tour du stade pour me prouver que je vaux un brin de quelque chose dans un domaine.

J'ai juste envie de dire que quand on veut on peut. Parce qu'il n'y a pas de rêves trop fous. Il n'y a que des gens trop fous de ne pas tenter de les réaliser.